vendredi 7 novembre 2014

OPE Prologue/O2I : dans la famille Rouvroy, je demande le frère



Prologue a annoncé le mois dernier son intention de proposer une offre publique d'échange de titres O2I contre ses propres titres. De façon un peu hostile, puisqu'apparement, le PDG d'O2I n'était pas franchement d'accord. Voir O2i/Prologue : le "non" ferme du patron d'O2i sur boursier.com, ainsi que son interview in extenso : "L'offre de Prologue sous-valorise complétement O2i et fait courir un risque massif de dilution à nos actionnaires".

La parité prévue est manifestement peu avantageuse pour les actionnaires d'O2I : 3 titres Prologue, contre 2 titres O2I, alors que les sociétés présentent les caractéristiques suivantes :
  •  O2I : 6 168 408 titres pour une capitalisation boursière de 13.76 MEUR (au 4 novembre 2014), Fonds propres à juin 2014 de 9 M€, soit 1.47 euros par action, fonds de commerce pour 12 M€, CA de 42,7 M€ en 2013, derniers résultats négatifs
  •  Prologue : 18 448 430 titres pour une capitalisation boursière de 29.52 MEUR (au 4 novembre 2014), Fonds propres à juin 2014 de 2.3 M€ soit 12 centimes par action, écarts d'acquisition ("non valeurs") de 4,6 M€, CA 2013 de 20 M€, derniers résultats négatifs. O2I surcote ses fonds propres de moitié, tandis que Prologue les valorise 27 fois. O2I est valorisée à un tiers de son chiffre d'affaires, contre 1 fois et demi pour Prologue. 
Et de l'avis de tous, il n'y a aucune synergie possible entre les deux sociétés, qui exercent sur deux sous-domaines et deux marchés géographiques différents. Normalement, l'affaire aurait donc du en rester là. Car en première approche, échanger 2 actions O2I contre 3 titres Prologue, c'est mettre au pot commun 2.94 euros de fonds propres  versus 36 centimes. Vision un peu schématique, car  il faut tenir compte de l'augmentation de capital de 9 millions de titres impliquée par l'échange, et potentiellement d'une augmentation de 50% du nombre de BSA en circulation. Ainsi que de la souscription annoncée ce jour de 7,6 millions d'actions de BSA 2021 pour 15,6 M€. (Pour ce point toutefois, qui porterait les fonds propres à 0.68 euros par titre, il est préférable pour le calcul exact d'attendre une confirmation sur Euronext, car la société a déjà fait en octobre ce type d'annonce et livré des titres sans qu'aucune modification du nombre d'actions admises sur Euronext ne soit constatée). Quoi qu'il en soit, on saisit mal l'avantage pour les actionnaires de O2I de se faire absorber par une grenouille.

C'était sans compter sur l'activisme de Eric Rouvroy, actionnaire de O2I à hauteur de 9% (570.000 titres). Ce Monsieur, gestionnaire d'un fonds AlterFi Managed Futures Fund basé aux îles Caïmans, connaissant bien Prologue pour en avoir été actionnaire, s'est mis en tête de soutenir l'opération d'échange initiée par Prologue. Il se trouve qu'un certain Arnaud Rouvroy est administrateur de Prologue. Et que Jacques Rouvroy, ancien PDG de Belvédère, est aussi actionnaire de Prologue, par l'intermédiaire de Vermots Finance. Ou du moins, l'était, puisqu'Eric Rouvroy, interrogé sur un éventuel conflit d'intérêt à informé Boursier.com que son frère n'était plus que marginalement actionnaire de Prologue. Quel serait donc l'intérêt pour Eric Rouvroy ? A priori, on voit mal. Il s'est fendu de laborieuses explications sur Boursorama, en ouvrant, au motif de "transparence", 2 files dédiées. Dans la première, après avoir expliqué qu'il n'y avait pas de synergie mais "des économies d'échelle",  que la direction de Prologue avait su "créer de la valeur" en valorisant fort son cours, il tape allègrement sur le patron de O2I :
Certains capitaines atteignent leur limite de compétence au-delà d'une certaine taille de navire à commander. Peut-être, je ne suis pas affirmatif sur le sujet, est-ce le cas du capitaine du navire O2I. Lorsqu'un Groupe coté en Bourse atteint un niveau de 50 M€ de chiffres d'affaires, comme O2I, il devient impératif que le dirigeant soit à la fois excellent gestionnaire, communiquant, connaisse un minimum sur les arcanes de la Bourse, adopte une stratégie compréhensible des investisseurs, respecte ses actionnaires autant que ses prévisionnels, respect qui lui ouvre les portes de nouveaux investisseurs, etc... Cela fait, certes, beaucoup de compétences à regrouper en un seul homme. Mais, en final, cela fait aussi beaucoup de différence de valorisation entre une société dont le dirigeant les possède toutes ou en grande partie, et une autre comme O2I.
Ou comment dire avec beaucoup de fleurs que le patron de la société dans laquelle il a investi il y a moins d'un an sur 9 % du capital, soit environ 1 M€, est un incompétent. Avec menaces à peine voilées à la clé :
En cas de lancement et de réussite de l'opération, il appartiendra aux dirigeants de Prologue de décider de "l'avenir" de Jean-Thomas Olano. J'imagine, pour l'instant, que celui-ci dépendra, en partie, de l'attitude qu'il adoptera si l'opération est effectivement lancée.
Le problème est que ce donneur de leçons n'est pas vraiment un as de la gestion. Il a reconnu qu'une autre de ses sociétés, AAA investment, avait fait faillite après avoir investi l'essentiel de ses actifs en obligations subordonnées BVD, dont les détenteurs se sont vus remettre en tout et pour tout des BSA (BVDBX) de très faible valeur lors de la restructuration de la dette. Ces obligataires ont été les grands perdants de l'opération. Mais est-ce bien raisonnable lorsqu'on gère un fonds, d'investir sur une seule ligne d'actifs ? Quand bien même ces actifs sont initialement émis par une société dirigée par un membre de la famille ? Autre point, cette personne avait posté hier un message indiquant que si son fonds était basé aux Caïmans, paradis fiscal officieux mais réel, ce n'était pas pour des raisons fiscales (d'ailleurs selon lui "80% des fonds sont basés" dans ce type de pays, pour se simples raisons d'efficacité). Passons...

Finalement, dans une seconde file, Eric Rouvroy souligne l'argument de choc : O2I bénéficierait d'une prime de 9% dans l'échange, au vu des cours du jour. Sauf qu'il s'emmêle un peu les pinceaux dans ses explications. Il attribue cette décote au fait que le cours de l'action O2I soit trop bas, en raison de la présence d'un vendeur important. Et précise "Lorsque le papier aura fini de "circuler", je pense que la tendance haussière actuelle, depuis déjà un an et demi, reprendra son cours. " Ah bon ? Et donc si le cours de O2I remonte, que devient cette décote ? Elle disparait ? Bel argument qui s'effondre de lui-même.

Mais surtout, le risque que le cours de Prologue baisse est très élevé. Car il faut se souvenir comment le cours est artificiellement maintenu à coups de BSA. Phase 1 : en octobre, à la veille d'une échéance de règlement de son dividende de RJ, la société annonce que les actionnaires détenteurs d'une action auront droit à un BSAAR gratuit. Entre fin août et octobre,  le cours de l'action flambe passant de moins de 1 euros à plus de deux euros. Nicolas Miguet et la direction de Prologue incitent les détenteurs d'un BSA précédent,  à l'exercer pour pouvoir profiter de l'offre, avant même que les caractéristiques exactes soient connues. L'opération traine quelque semaines, et est effective en décembre. En juin 2014, nouvelle annonce : les BSAAR précédents (dits 2020) peuvent être échangés contre d'autres BSAAR 2021, sans clause de forçage, à condition que les titulaires souscrivent d'abord à une action à deux euros. C'est l'opération dont la finalisation vient d'être annoncée aujourd'hui (7,6 millions de BSAAR convertis). Pourquoi souscrire à deux euros un titre qu'on trouvait à moins de 1.71 sur le marché ? On a fait miroiter aux actionnaires que, en prenant en compte le cours du BSA 2021 (qui a atteint 1.10 euros en octobre), l'opération était rentable. Sans toujours préciser qu'en réalité ce BSA 2021 ne cote que rarement. Voir aussi le cours du BSA 2020, incotable depuis juillet, et dont le cours vient de s'effondrer, passant de 0.52 à 0.17 euros.

Et si on en revenait aux fondamentaux de la société, qui sort à peine de son plan de continuation selon ses annonces (abstraction faite de 2,5 millions d'euros étalés jusqu'à 2023  (1) )? Ce serait curieux que l'expert qui devra déterminer l'équité de l'offre se base uniquement sur la parité des cours. D'autant que la dilution attendue avec quelques 28 millions de BSA (2) trainant encore sur le marché mérite que soient revus de près une valorisation par les potentiels bénéfices par action, même si ces BSA auraient le mérite, en cas d'exercice, d'apporter une trésorerie pléthorique à la société. A suivre, si l'offre est déposée.

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Note  (1) : voir page 11 des comptes S1 2014 de Prologue
Note (2) : voir page 14 des comptes S1 2014 de Prologue