vendredi 27 janvier 2012

GECI : Vive les élections !

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GECI International était comme prévu au bord du gouffre : pour les sociétés en pertes et sans trésorerie, les échéances des 15 janvier, avril, juillet et octobre sont un cap particulièrement dur, puisque c'est la date du paiement trimestriel des charges sociales. Par ailleurs, l'absence de financement des quelques 100 et quelques millions d'euros nécessaires au développement du projet Skylander devait avoir un impact très fort sur les comptes : comme la valorisation des projets (et donc des postes de la comptabilité) s'appuie sur sur des business plans délirants, le Commissaire aux Comptes aurait pu fermer les yeux, et faire semblant de croire à la légende de 1.500 ventes de Skylander d'ici 2030, alors que le marché annuel pour ce type d'appareils n'est que de quelques dizaines, à la condition expresse que le financement soit bouclé. Car sinon, la règle est d'estimer les projets valorisés très cher dans les comptes à leur valeur réelle. Soit aux environs de zéro, ou en étant gentil, au prix qu'un hypothétique repreneur serait prêt à payer pour reprendre les plans de cette arlésienne en projet depuis plus de dix ans, et sur la faisabilité de laquelle pèse encore de très sérieux doutes. Dont les doutes techniques qu'avait exprimé feu J. Quicampoix.


On assiste donc depuis décembre à un drôle de spectacle :

- Début décembre : énième inauguration d'un atelier d'assemblage

- Décembre et janvier : 3 reports successifs de la date de parution des comptes (forcément, puisque sans financement, la perte à annoncer a de quoi faire pâlir même les actionnaires les plus naïfs)

- début décembre, puis il y a deux jours, annonce d'un énième contrat d'enfer : commande Lettre de protocole d'accord sur une commande de skylander, avec une supposée société russe tout aussi connue dans le domaine du transport aérien que ses prédécesseuses (Qui se souvient des MOU, alias Memory of Understanding, signés par des compagnies "asiatique" (Transasia, 06/2011), "africaines" (07/2011), indonésienne (8/2011), européennes (10/2011), et des commandes fermes passées par la Malaise (toujours Transasia en décembre 2009) et Abu Dhabi le même mois)? Alors qu'en 2009 la société affichait 14 commandes fermes, et un "portefeuille commercial de 270 avions, retour à la case départ, avec un potentiel encore en augmentation, conclu avec une société dont la seule référence avancée par GECI serait une annonce faite par Aviamost, un journal aéronautique. Sans parler des fameuses commandes chinoises fermes pour le F406, un avion déjà développé, dont on a confirmation, aujourd'hui encore, que ce n'était qu'un gros bobard. Pas grave le cours de l'action s'emballe.

- Et hier, le 26 janvier, on a droit à cette incroyable nouvelle : "MORANO est arrivée. Sans se presser", car elle avait toujours jusqu'à présent émis des doutes sur l'opportunité de claquer l'argent de la communauté dans un projet à la rentabilité très incertaine. Mais finalement, Madame la Ministre de l'apprentissage annonce LA bonne nouvelle, qui va permettre à GECI de tenir au moins quelques mois de plus : l'Etat va investir 60 millions d'euros dans GECI, 30 M€ étant pris sur le Grand Emprunt et 30 autres M€ étant financés par le FSI. C'est tout bon. GECI va pouvoir, après son troisième report de parution, afficher des résultats certes en forte perte, mais largement honorables par rapport à la réalité de sa situation. Et le Conseil Général de Lorraine, conforté par cet engagement de l'Etat français, va "avancer" 7 millions d'euros, histoire de boucler la trésorerie pour janvier.


Vous trouvez ça drôle? Moi pas. Passe encore que quelques margoulins et investisseurs se soient enrichis à l'occasion de la forte hausse du titre (+38%) qu'ont provoqué ces annonces. Je reconnais une certaine dose de réalisme à avoir fait annoncer cette nouvelle par le Ministère de l'apprentissage et non pas par le Ministère du travail et de l'emploi. Car vu la façon dont le PDG tente de faire vivre sa danseuse depuis 2001, on est clairement dans l'apprentissage.

Mais que l'Etat français claque 60 millions d'euros qu'il n'a pas (n'oublions pas qu'il va falloir emprunter pour financer ces 60 millions, cf. les appels permanents de l'Etat au marché, son niveau d'endettement actuel, et les grattages de tiroir imposés à l"ensemble des français en vue d'économiser la même somme) pour un projet voué à l'échec, clairement, cela me ne fait pas rire. Bien sûr, nous sommes en période pré-électorale. Bien sûr, il y a des emplois menacés. Bien sûr, la collectivité a déjà beaucoup investi dans GECI, via les millions de crédit d'impôt-recherche, les avances Oséo, les subventions du Conseil Général Lorrain. Mais ce n'est que reculer pour mieux sauter. Car ce projet est techniquement inabouti, et même pas encore doté du minimum vital jugé nécessaire en décembre 2010, à savoir la certification de design (DOA) permettant d'attester qu'elle est seulement organisée pour construire un avion. Et avec un prix de l'avion au double de ceux existant, on voit mal comment subitement il pourrait créer un besoin nouveau sur le marché et faire exploser les chiffres de commande. L'autre problème, c'est que pour boucler complètement le plan de financement, il faudrait trouver des investisseurs privés pour 40 millions d'euros. Ce n'est pas gagné. Il y en a déjà tant qui se sont fait avoir sur GECI, et le projet est tellement improbable, que, même en pariant sur l'esprit du lucre et la bêtise, il va falloir de sérieux efforts pour trouver des victimes.

Quand aux emplois sauvegardés, il vaudrait mieux regarder la réalité en face, et prévoir tout de suite la reconversion de la partie des salariés concernés. 60 millions d'euros fichus en l'air, cela représente le salaire de 200 salariées de Chantelle charges patronales incluses pendant 12 ans et demi. Pourquoi faire une comparaison avec les salariées du secteur de la lingerie plutôt qu'avec les salariés de GECI? Parce que GECI a toujours été incroyablement ambigu sur les chiffres des effectifs concernés. Et même si certains jugent que l'aéronautique est économiquement plus sexy que le textile, en termes humains, c'est kif-kif en termes de dégâts.

BREF, c'est bientôt les élections. Mais il y a des jours où cela me fait sacrément suer de payer des impôts.

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